Voici quelques réflexions autours de l’entrée dans la sexualité des adolescentes :
C’est à l’adolescence que les jeunes rencontrent le sexe opposé au leur : mais ils peuvent éprouver de l’angoisse à cette rencontre 1. La prise d’une contraception par les adolescentes est un moyen pour elles de signer la rupture avec le monde de l’enfance et de s’identifier aux adultes, notamment via la sexualité. Lorsque la contraception est prise en cachette de la mère, c’est aussi une marque d’opposition au contrôle de cette mère toute puissante sur leur corps et un pas fait vers l’autonomie. « La contraception est la pierre de touche du conflit mère-fille, parent-enfant »2.
Mais est-ce si facile et bien approprié pour elles de s’astreindre à prendre par exemple, une pilule tous les jours ? Leur corps est en pleine mutation, il change. Les humeurs aussi. Un jour pleines de certitudes, le lendemain assaillies de doutes, avec le besoin de régresser, les adolescentes ont du mal à se tenir à des repères stables. Leur vie sexuelle est irrégulière, elles se cherchent dans leur féminité. Elles n’ont pas la faculté d’anticipation, ont un sentiment de toute puissance et sont dans l’illusion que leur corps ne peut être concerné par une éventuelle fécondation. Elles vivent « dans l’instant et non dans la pensée d’un risque ». Pour Béatrice Marbeau-Cleirens, leur comportement à risque est le signe d’un masochisme dû à une culpabilité de la découverte de la sexualité.
Pour une adolescente, tomber enceinte peut être un moyen de se séparer de sa mère. Avorter signifierait dans ce cas renoncer au désir inconscient du détachement préœdipien, pour redevenir la petite fille de sa mère, continuer de s’identifier à elle, et cela signerait l’échec de leur séparation. « Chaque femme vit avec un saboteur en elle qui a la voix de sa mère » déclarait Ingrid Bergmann. 3
A l’adolescence, la libido d’objet laisse la place à une libido hyper narcissique. Il arrive que le rapport au corps soit vécu sous un mode dépressif, voir mortifère. Une adolescente confrontée à une grossesse et un avortement, à la mort donc, est exposée à une souffrance psychique plus forte encore que celle liée à la phase adolescente.
1 Schaeffer J., Société Psychanalytique de Paris, conférence du 16-12-2014 à Lyon ; Le mal d’amour, risque du féminin
2 Maruani G., Contre acception ou avorte et mens, Revue Génitif, tome 1, n°4, Paris, sep. 1979, p. 31
3 I. Bergmann, Le Monde, du 22/12/1977