Voici quelques réflexions sur le corps des femmes, et quelques résonances avec ma clinique de l’IVG.
Alors qu’autrefois sexualité équivalait à enfantement, l’accès à la contraception permet aux femmes de dissocier procréation et sexualité. Elles peuvent investir leur corps autrement. Elles se reconnectent alors au désir d’enfant, avec la possibilité de programmer son arrivée au moment opportun pour elles, « un enfant si je veux, quand je veux »1. Mais c’est aussi pour elles une nouvelle responsabilité quand, dans leur vie, elles doivent faire des choix : devenir mère, ou pas…2.
« Le corps entre en résonance avec l’identité vraie, cachée […] Il fait coïncider l’être et le paraître […] il est un révélateur du moi »3. Avec un petit bémol toutefois, car le poids des média, l’importance accordée au paraitre pousse les jeunes femmes à des extrêmes : ne sont-elles pas dépossédées de leur corps par l’influence des média, de la mode, etc. pour en arriver jusqu’à l’anorexie, ou autres pathologies ? 4 Les femmes ont certes la possibilité de maitriser la contraception, mais le corps médical prend plus de pouvoir sur leurs corps. L’avortement par exemple, acte très médical, remboursé, perçu comme un droit, auxquelles les femmes peuvent faire appel autant de fois qu’elles le veulent, met les femmes dans une position de consommatrices ; on ignore tout du côté humain des femmes, on ne favorise pas l’expression des ressentis des femmes, de leur histoire, de leurs désirs et projets, les peurs sont refoulées. On fait croire à la femme qu’elle gagne en confort, mais n’est-ce pas lui faire perdre une forme de liberté que toutes ces avancées modernes ?
Si le corps permet de faire une multitude d’expériences, de ressentir une certaine liberté, il reste cependant le « noyau identitaire central » qui rassure, sécurise. L’IVG n’est-il pas un symptôme justement qui vient interroger cette idée de liberté absolue de disposer de son corps dans un fantasme de toute puissance ? Car quand, une femme tombe enceinte sans désir d’enfant et doit en passer par l’IVG, ne paie-t-elle pas ainsi le prix fort de ce retour à une réalité physique, concrète ? Son corps a finalement aussi la capacité d’enfanter, et cet aspect est souvent occulté par les jeunes femmes. Cet acte de l’IVG, choisi certes, est nonobstant vécu comme une violence pour beaucoup d’entre elles. Il y a perte de repères, elles sont bousculées. Parfois, cela provoque une baisse de leur estime d’elles-mêmes, une grande culpabilité devant ce choix de mort contre un choix de vie. Peut-être que l’aspect reproductif de la sexualité est parfois oublié au profit de la recherche du seul plaisir ? Peut-être que cette notion de responsabilité de soi fait peser un poids trop fort sur certaines femmes.
1 Le Bart C., L’individualisation, Paris, Science Po, Les Presses, 2008, p. 169
2 Ibid, p. 168
3 Ibid, p. 234
4 Ibid, p. 232