Les différents stades du développement :

Du narcissisme primaire au stade anal

Je vous partage quelques-unes de mes réflexions suite à mes lectures :

Au début de la vie, la qualité des soins maternels est primordiale pour le développement de l’enfant. Lors du premier stade du narcissisme primaire, de 0 à 2 mois et demi, le bébé a l’illusion que lui et sa mère ne font qu’un seul psychisme, c’est le temps de ce sentiment de plénitude et de bonheur complet. Il va avoir un sentiment de toute puissance, comme si sa pensée suffisait à faire exister les choses ; comme l’apparition du sein de sa mère quand il a faim. Il va créer une hallucination du sein, ce qui lui permet d’attendre la satisfaction. Quand la mère répond à ses besoins dans des conditions satisfaisantes, il y a intériorisation de ces traces mnésiques. Puis, il se rend compte que la réalité ne peut pas toujours le satisfaire, et fait l’expérience du manque, de la séparation. Il fait la synthèse de toutes ses connaissances acquises ce qui va donner le noyau du moi, cela l’aide à distinguer l’intérieur de l’extérieur.

Le deuxième stade, sadique oral, de deux mois et demi à 18 mois, est celui où il va faire l’expérience du plaisir, et celle de l’angoisse lorsque les soins reçus ne le satisfont pas, et qu’il perçoit comme une rupture dans le sentiment de continuité. Il le vit comme une désintégration. Le bébé éprouve une telle haine destructrice envers l’objet qui le frustre, la mère, qu’il met en place des mécanismes de défense afin qu’ils ne soient pas préjudiciables à cet objet. Il va introjecter en lui tout l’amour de sa mère, le bon objet, et projeter en sa mère tout ce qui est mauvais, toute son agressivité 1. Il met aussi en place l’identification projective qui consiste à s’identifier à l’objet extérieur ; la mère. Il fait l’expérience de l’unité de sa personne, étape capitale pour « l’intériorisation de son moi ». 2 Il se rend compte que la bonne mère et la mauvaise mère ne font qu’une, ce que Mélanie Klein appelle l’ambivalence. Cet amour exigeant vis-à-vis de sa mère crée chez lui de la culpabilité, il ressentira ce besoin de réparation. De ce fait, le bébé acceptera plus facilement l’attente, la frustration, et sera capable de composer avec ses impulsions, et développer une sécurité interne. Vers 8 mois, le manque est vécu comme une destruction de lui-même, c’est l’angoisse de séparation. 3 Il va aussi s’aider en clivant le bon d’un côté, le mauvais de l’autre, cela permettra au moi de développer sa capacité à faire le tri, à faire la distinction entre lui et sa mère.

Entre 15 et 18 mois, l’âge de l’opposition, l’enfant cherche son identité, il veut se différencier à tout prix. Le principe de plaisir, dont son corps est investi, devra laisser la place à l’attente, la frustration. Pour marquer son insatisfaction, il a accès à l’opposition, il va renforcer son moi. Revient la question de l’ambivalence, car l’enfant doit dépasser sa toute puissance et apprendre à négocier, et donner à l’autre, à son désir une place à l’intérieur de soi. C’est à ce stade que l’enfant expérimente ses pulsions agressives, acquiert sa confiance en l’autre, et qu’il expérimente la capacité de l’autre à accepter ses mouvements agressifs. Ainsi, il apprend qu’il existe, qu’il compte pour sa mère, qu’il est distinct des autres.

De 18 mois à 3 ans, le bébé a toujours un grand besoin de voir qu’il a une importance fondamentale aux yeux de ses parents pour aller seul. Il osera des expériences et se tournera vers les autres, s’il est sûr de pouvoir revenir à ce port d’attache que sont ses parents, ou sa mère, ce dont parle Freud en observant le rituel de l’enfant à la bobine. La théorie de l’attachement développée par John Bowlby met aussi en lumière l’importance du sentiment de confiance que l’enfant recevra de son environnement pour l’aider à développer sa sécurité intérieure. La façon dont les parents vont réagir face aux besoins de leur enfant, leur satisfaction ou insatisfaction devant ses attitudes, vont influer dans la manière qu’il aura de se voir, de se considérer face aux autres. Il adoptera une stratégie comportementale, et des croyances ; ce sera sa manière d’exister. Lorsque le bébé fille a eu une relation saine avec sa mère : dans la fusion, la sensualité, l’identification, le narcissisme, qu’il y a pu y avoir « l’hallucination de la satisfaction » grâce à la répétition des absences/présences de sa mère, « cette identification heureuse fait le berceau des futures capacités maternelles de la petite fille». 4


1 Klein M. Riviere J. : l’amour et la haine, petite bibliothèque Payot, Paris, 2001, p. 90

2 Guillotte A. ; 0 à 18 mois, l’éducation conjointe du bébé et de ses parents, Lyon, Chronique sociale 2° trim. 1980, p. 34

3 Guillotte A. ; op. cit., p.40

4 Bokanowski T., Guignard F., La relation mère/fille – entre partage et clivage, Press Editions, Paris 2012, p. 42